La
branche
Amédée Prouvost
Maire adjoint de Roubaix, de 1821 à 1826,
Membre du Conseil de fabrique de Saint Martin à Roubaix de 1826 à
1847,
Administrateur des hospices de 1817 à 1822 ,
Maître de manufacture,
époux Liévinne Defrenne (1791-1824)
, fille de Liévin Joseph de
Frenne (1750-1814), Maître de manufacture, marchand drapier,
administrateur des hospices,
" chef de la branche ainée de la famille de Frenne" (Leuridan)
et de Clémentine Dervaux.
Outre Henri, Augustin, Liévin et Amédée,
il y eut aussi Adolphe Eutrope Prouvost (1822-1884) qui
secondera Amédée à la tête de l'entreprise familiale, dont Marie et
Adolphe-Henri ; et enfin Henriette.
Théodore
Leuridan dans « les Vieilles Seigneuries de Roubaix » disait en
1893 :" La famille de Frenne est sans doute l'une des plus jeunes de
nos familles échevinales puisque son établissement à Roubaix compte à peine 175
ans, mais elle n'en est pas moins distinguée, On la dit originaire de Néchin
dont la partie française faisait corps avec le marquisat de Roubaix et où
florissaient des familles de Frenne de diverses conditions. Celle dont il est
ici question a pour auteur Liévin de Frenne qui épousa à Roubaix, en 1718,
Marie-Jeanne Roussel, fille de Pierre Roussel et de Jeanne Castel. Le mariage
fut célébré en présence du pasteur de Flers et de Jacques du Jardin, son
vicaire, uni au contractant par des liens de parenté. Liévin de Frenne se plaça
dès l’abord au premier rang des manufacturiers de Roubaix. Sa descendance a
fourni deux échevins sous l’Ancien Régime et deux administrateurs du parti
modéré dans la période de 1790 à la constitution de l’an VIII. IL est le 17
janvier 1743, laissant: Marie-Henriette-Joseph de Frenne qui épousa, - en
premières noces, Jean-Charles de Laoutre et, en secondes noces, Jacques
Charvet, de Lille, né en Dauphiné; - Liévin-Joseph de Frenne qui suit; - et
Geneviève-Joseph de Frenne qui s’allia, en première noce, à Jean-Baptiste de
Laoutre et, en secondes noces, en 1768, à André-Joseph Desmazières, licencié en
médecine, né à Templeuve en Pévèle, mais habitant Roubaix depuis 19 ans et veuf
d'Ursule-Henriette Florin. Liévin-Joseph de Frenne, manufacturier, épousa, en
1749, comme il a été dit ci-dessus, Augustine-Joseph du Jardin, qui mourut vers
1754, laissant deux enfants en bas âge : Liévin-Joseph de Frêne et
Ursule-Joseph de Frenne. Il se remaria, le 21 septembre
d'où les branches: Autre Branche:
15: Henri II Prouvost Liévin Prouvost
Amédée I Prouvost
Benjamin Prouvost
1810-1857
1818-1869
1820-1885
1820-1896
" Né en 1819, il
connut une prime jeunesse turbulente et trépigne a la pensée d'une vie placide
et monotone.
A 20 ans, se sentant
l'âme d'un novateur, il brise avec des horizons trop étroits et entreprend de
voyager. Non pas en diligence, mais à cheval. Il fait son tour de France et
envoie a sa famille des lettres et des notes de voyage où s’entremêlent des
impressions d'artiste et des vues très objectives sur les réalités
industrielles qu'il découvre au hasard de ses pérégrinations.
A 25 ans, il revient au
bercail et épouse une jeune lilloise, Joséphine Yon. La cérémonie de leur
mariage eut lieu à minuit comme le voulaient les usages de l’époque. II trouve
en elle une créature exquise de douceur et de tendresse qui sera pour lui le
plus sûr appui tant sur le plan des affaires que dans le domaine social. Tandis
qu’elle visitait les pauvres du quartier, Amédée, pendant l'épidémie de choléra
de 1866, se rendait au chevet des malades dans leurs taudis.
A cette époque, l'idée
de substituer au peignage à la main de la laine, le peignage mécanique est dans
l’air. En 1845 les Anglais avaient déjà monté une usine à Saint-Denis
appliquant cette technique et la transfèrent à Croix.
Amédée prend la grande
décision. Il s’ouvre de ses projets aux trois frères Lefebvre qui vont
commanditer son entreprise.
En 1851, 16 peigneuses
Schlumberger et 5 peigneuses Passavant sont installées dans la rue du Fort et
sortent les premiers rubans de peignes : le peignage Amédée Prouvost et Cie est
né. 90 tonnes de laine par an et quatre ans plus tard, nouvelle étape avec la
construction d'une seconde usine, rue du Collège ou Amédée acquiert les
licences de la peigneuse Rawson.
En 1867, lors de sa visite dans le Nord, l'empereur Napoléon III, accompagné de l'impératrice Eugénie, demande a visiter cette nouvelle usine. Surprises et admiratives, « leurs Majestés» découvrent 1'industrie lainière. A ce moment-la, les deux usines réalisent une production de plus de 4 millions de kilos de peignes et occupent 700 ouvriers.
« Du
26 au 29 août 1867, l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie effectuent
un voyage officiel dans le nord de la France pour commémorer le bicentenaire du
rattachement des villes de Flandre au territoire français – conquises par Louis
XIV en 1667, elles ont été officiellement et définitivement intégrées au
royaume par le traité d’Aix-la-Chapelle, conclu avec l’Espagne le 2 mai 1668.
Les souverains s’arrêtent successivement à Arras, Lille, Dunkerque, Tourcoing,
Roubaix et Amiens. Ils visitent des établissements industriels, hospitaliers,
pénitentiaires, comme ils le font traditionnellement au cours de leurs
déplacements officiels, mais ce voyage est surtout l’occasion, pour Napoléon
III, de faire prendre conscience à la population de la gravité de la situation
internationale et de préparer les esprits à un éventuel conflit avec la Prusse.
Les discours qu’il prononce à Arras et, surtout, à Lille, sont, à cet égard,
révélateurs : « Des points noirs sont venus assombrir notre horizon », déclare
l’empereur, qui termine cependant son allocution en incitant les Français à la
confiance.
L'Empereur
Napoléon III, accompagné de l'Impératrice, vient visiter les usines du Nord et,
entr'autres, celles d'Amédée Prouvost et Cie, le 29 août 1867, frère d’Henri
Prouvost-Florin.
Un compte
rendu officiel donne la relation suivante :
« Leurs
Majestés, malgré la température élevée, «ont traverse entièrement le peignage
dans ses « deux subdivisions. Elles ont remarque particulièrement une peigneuse
Noble, une Rawson et « les cardes, adressant à chaque pas des demandes « de
renseignements et n’ont eu que des éloges a « distribuer. Tout a été prévu dans
ce magnifique « établissement pour le bien-être des ouvriers et « ouvrières et
aucune des institutions modernes de « bienfaisance ne lui fait défaut.
«L'Empereur
s’est ensuite rendu chez Messieurs Lefebvre-Ducatteau Frères et a parcouru « le
tissage et la filature. A la sortie de leurs ateliers, «une conversation s’est
engagée entre leurs Majestés et Messieurs Prouvost et Lefebvre-Ducatteau au
sujet d'un plan de construction de cites ouvrières.
. «Sire,
a dit Monsieur Prouvost, permettez-moi de vous faire voir les plans et détails
d'une « cite de 350 maisons que nous construisons pour nos ouvriers, ainsi que
le spécimen d'une de ces maisons, a l'échelle de 10 cm par mètre.
« L’Empereur
s’étant arrêté en face de la maison, ayant a sa gauche l'Impératrice, a sa
droite « Monsieur Jean Lefebvre et a la gauche de l'Impératrice Monsieur Amédée
Prouvost, a dit a « Monsieur Jean Lefebvre:
«Ces
maisons me paraissent bien; combien vous coutent-elles de construction et
terrain et combien peuvent-elles loger de ménages?
« Sire,
répondit Monsieur Jean Lefebvre, selon « les habitudes du pays, chaque ménage a
sa maison particulière et celles-ci nous coutent 3.000 francs chacune, terrain
compris. La salle front à la rue « a une dimension de 4 m. 50 sur 3m. de
largeur, «précisa-t-il en réponse a une nouvelle question de l'Empereur.
«
L'impératrice, regardant un petit bâtiment en «maçonnerie, demanda: qu'est-ce
que cette place?
«L'architecte,
Monsieur Deregnaucourt, répondit : c'est ce que nous appelons le débarrassoir
ou la relaverie.
«
L'Empereur : comment est-il agencé?
«
L’Architecte : ces maisons sont construites « dos a dos de manière a laisser
les cours de coté, « pour avoir plus d’air. Indépendamment, existent des grands
jardins au centre des maisons, communs à tous les locataires.
« C'est
fort bien, a dit l'Empereur».
«
Et le
Cortège s’est éloigné pour monter en voiture
et se rendre a l’Hopital ». Puis, le couple impérial
sera reçu chez le Comte Mimerel.
J'ai cru
intéressant de vous donner connaissance de ce communique pittoresque, parce
qu'il préface en quelque sorte l’effort que devaient accomplir les générations
suivantes, a l' exemple des fondateurs, sur ce plan d'importance capitale de la
construction de maisons ouvrières.
«
Albert-Eugène Prouvost, discours du centenaire du peignage Amédée Prouvost et
Cie.
Après
avoir visité les usines d'Amédée Prouvost,
l'Empereur et l'Impératrice vont chez le Comte Mimerel, maire de
Roubaix.
Sous la IIIe République,
en 1885, Amédée disparaissait avec la satisfaction de voir la première place
assurée à l'affaire qu'il avait créée et qu'il laissait à ses trois fils:
Amédée, Albert et Edouard. "
Albert Prouvost Toujours plus loin
Hôtel Amédée Prouvost puis Lepoutre
à
Roubaix, classé
Monument Historique par arrêté du 30 avril 1999, construit
vers 1880 par
Amédée Prouvost-Yon, couramment appelé Hôtel
Auguste Lepoutre à qui il a été loué
à partir de 1902.Il s' agit d' un hôtel d'
industriel, entre cour et
jardin, avec ses écuries, dont les dispositions sont encore bien
conservées. Au
rez-de-chaussée, trois salons côté jardin
conservent des décors restés dans
leur état initial, notamment des cheminées et boiseries
moulurées. A l’étage,
au bout du palier, existait une chapelle privée. Façade
et toiture sur l’avenue
des Nations-Unies ; façades et toitures sur la cour ;
façade et toiture sur le
jardin ; les trois salons du rez-de-chaussée donnant sur le
jardin ; la cage
d’escalier, y compris l’escalier (cad. BR 21, 22) :
inscription par arrêté du
30 avril 1999; décor : menuiserie. Éléments
protégés MH : élévation ; salon ;
escalier ; décor intérieur. Site protégé :
abords d'un monument historique; À
partir de 1940 environ, le commissariat de police s’y est
installé.
Nations-Unies (avenue des) 301 et 36, rue Pellart, « est
toujours debout
et abrite actuellement le commissariat central de Roubaix. La maison
est
imposante et sans beauté. Toutefois, y passant à
l’occasion pour régler une
contravention, je ne puis m'empêcher de penser au diner de
mariage de mes
parents et de mon oncle et tante, Joseph Toulemonde, qui eut lieu le 17
novembre 1897 et qui réunit 245 convives. J'ai aussi un pieux
souvenir pour
tante Claire, souvenir lié à l’anecdote suivante.
En 1883 fut reçu chez notre
arrière-grand-mère, Don Bosco, devenu depuis Saint Jean
Bosco. Tante Claire,
tout enfant, fut très déçue de cette
réception car le religieux, dont on lui
avait vanté la grande sainteté, n'avait pas fait de
miracles comme elle s'y
attendait. »
Son épouse, Joséphine
Prouvost née Yon 1827-1902 :
" Mme Prouvost était
grande et bien faite, les yeux d'un joli velours marron comme ceux de son
père, étaient assez perçants. Elle portait la toilette avec aisance et dignité
et avait fait venir de Paris plusieurs fois des fleurs de grenade naturelles
pour mêler à ses cheveux châtain foncé. Cela semblait à ce temps-la du plus
grand des luxes et de longues années après on citait encore le raffinement
d'une coquetterie bien innocente. Elle chantait agréablement la romance,
surtout celle de l’Isa Puget ou les romances sentimentales de Nadaud, comme «
La nid abandonne ". Sa voix était sympathique et douée d'une grande
expression.
Madame Amédée Prouvost,
fille de M. et Mme Yon-Delaoutre, perdit son père alors qu'elle n'était âgée
que de 6 ans. C’était un homme distingué et selon le portrait du temps, qui est
encore dans notre famille, d'une physionomie fine et agréable.
Mme Yon se
remaria et épousa M. Lemaire. Elle donna à sa fille un soutien moral et un
tuteur, car elle-même mourut en 1844, et ce fut M. Lemaire qui conduisit Mlle
Yon dans le monde et pensa de bonne heure à la marier.
En effet à 17 ans elle
épousait M. Amédée Prouvost. Le mariage se fit à minuit suivant l’usage
de cette époque et le jeune ménage s'installa à Roubaix où M. Prouvost était
intéressé dans les affaires de M. Lemaire. Le passeport de M. Prouvost datant
de 1840, avant son mariage, témoigne que pour ses affaires .Il traversait la
France en tous sens, en diligence ou à cheval, et que ses tournées étalent de
longue durée.
Toutes les premières
années du ménage de M. et Mme Prouvost furent très heureuses. Six enfants
vinrent se grouper autour d'eux. Aucune épreuve cruelle ne vint accabler Mme
Prouvost avant la mort de son mari. Etait-ce son ardente piète ou toutes ses
pratiques de charité qui écartèlent les douleurs s'abattant sur certaines
familles? C’est le secret de la Providence. Toutes les âmes, même celles d'élite,
ne sont pas menées par les mêmes chemins, et en tous cas la confiance aveugle
de Mme Prouvost en la Divine Providence l’aida sobrement à vivre avec sérénité
et à supporter avec abnégation. Elle était jeune et avait des enfants si jeunes
que, lorsque M. Droulers vint faire la demande en mariage de la part de son
jeune frère pour solliciter la main de la fille ainée de Mme Prouvost, il prit
celle-ci pour la fiancée éventuelle et sa confondit ensuite en excuses sur sa
méprise.
Madame Prouvost était
très fêtée, non dans les réunions mondaines car Roubaix était une trop
petite ville pour que le monde y tint une grande place, mais dans les réunions
intimes ou on s'égayait en bonne et due forme.
La petite propriété de
M. Prouvost qu'il tenait lui-même de son père et qui s'intitulait « La Glane
", était située entre un quarter de Tourcoing appelé « L'Epinette » et le
hameau du Vert-Pré. La famille y passait quatre mois d'été.
La maison s'ouvrait le
matin sur la verte campagne. Elle était très sommairement aménagée mais bien
abritée sous les marronniers. Il y avait une sorte de pignon s'avançant
au centre, et la porte s'ouvrant sous la marquise semblait accueillante et
hospitalière. La aucune prétention à la vie de château, aucun artifice dans le
séjour campagnard de ce petit coin de Flandre, Rien que le bon air d'un lot de
terre de 4 hectares avec une grande pâture, une ferme attenant au petit
domaine, des sentiers bordes de saules, une route pavée sur le devant ou
passaient les carrioles des boulangers, puis les allées et venues des fermiers
all ante le soir remiser au fond du « carin » les chariots et les instruments,
et pour y arriver, un chemin ou passait un gros cheval et que des barrières
blanches séparaient du jardin.
Le demi-hectare de
jardin fleuri comme un bouquet de fête perpétuelle, avec les iris, les asters,
les soleils et les campanules, était ce qu’on appelle « un jardin de
curé », un de ces gais jardins jaunes, bleus, verts ou rouges ou toujours
quelque chose bouge.
Les chemins étaient
garnis de tan exhalant au soleil un arôme de bois résineux, les grands
marronniers au printemps secouaient leurs fleurs blanches et roses en poudre
sur le sol et les rayons du soleil I inondaient ce paysage bon enfant; tout
cela avait un air de bonheur calme, d'épanouissement heureux comme les gens
qui l’habitaient. « La Glane » était donc l’ été un petit paradis pour
les réunions de famille et les soupers intimes ou Nadaud acceptait souvent
d'apporter sa bonne humeur et son talent de chansonner, et les invites s'attristaient
de quitter un si gai séjour pour reprendre pédestrement le chemin de la ville.
Mme Prouvost ne mettait
aucune prétention ni aucune recherche dans ses soins de maitresse de maison,
cependant rien ne manquait jamais à l’ordonnance des repas ni à la bonne tenue
des appartements ; elle était elle-même l’enseignement vivant : savoir se plier
aux circonstances et de se contenter de ce que vous offre le présent. Avec une
inaltérable aménité elle était à même de supporter les mécomptes, les
contretemps, les déconvenues sans laisser paraitre en aucun cas le plus léger
mouvement d'humeur. Sa maison était toujours en ordre, ses serviteurs lui
étaient attachés, pas d'observations encombrantes et humiliantes, mais, le mot
d'encouragement nécessaire.
A Roubaix, les œuvres
de charité prenaient grande place dans la journée de Mme Prouvost qui fut
pendant de nombreuses années présidente de la Conférence de
Saint-Vincent-de-Paul. Que dire de sa grande charité pour soulager toutes les
misères? Les visites chez les pauvres étaient quotidiennes ; elle se faisait
une joie de donner chaque jour un diner a une de ces familles nécessiteuses
dont un membre venait chercher la part à midi et démon était accoutume à voir
sous le porche attenant à la cuisine des femmes ou des enfants assis sur un
banc attendant l’ audience de leur bien fautrice qui, de l’ air le plus calme
et le plus souriant, les recevait toujours avec bonté, les encourageait, les
exhortant et leur glissant la piécette blanche qui était la terminaison
heureuse de l’ entretien. Cette femme de bien avait au coeur une
tendresse douce et une sollicitude toujours attendrie pour ses enfants. Elle
eut pendant plusieurs années ses fils éloignés d'elle, soit par les obligations
des affaires qui imposaient à l’ainé des séjours en Angleterre, soit par le
service militaire du second et du troisième. Elle entretenait une
correspondance assidue avec eux; c'étaient de bons conseils dignes d'une mère
vigilante mais aussi, et c'est ce qui ressort le plus de ses lettres
fréquentes, le récit des menus faits de la famille, propres à tenir en éveil
cet attachement au foyer et au sol qui est une grande sauvegarde pour la
jeunesse. Elle narrait les moindres faits des oncles et tantes, cousins et
cousines, dans un style famille, aimable et simple, qui faisait passer dans les
yeux des absents tous les tableaux animes des réunions ou ils manquaient.
La grande édification
de la famille était le petit oratoire de la maison, si pieux, si soigné, si
orné de fleurs, de lampes et de lampions à toutes les intentions de celle qui y
priait si souvent, que l’impression en y entrant était toujours celle du
respect et du recueillement.
Après la mort de M.
Prouvost qui vint en 1885 mettre le deuil pour toujours dans la vie de Mme
Prouvost, les alliances de familles, les mariages des petits-enfants ayant
agrandi le cercle de son entourage, même intime, le petit domaine de « La Glane
» fut abandonné pour une propriété plus éloignée mais offrant plus de
ressources comme espace, comme air et logement.
Devant le château d'Estaimbourg, Amédée II et ses soeurs; photo Hervé Toulemonde.
Le château
d'Estaimbourg appartenait à des descendants (par la main gauche) des ducs de
Bourgogne et était situé en Belgique dans le Hainaut, entre Pecq et Nichan. C'était
une grande construction d'aspect assez banal et noirâtre, mais de proportions
plutôt impressionnantes. Au milieu d'une pièce d'eau le bâtiment offrait des
logements tellement vastes que souvent il comptait une trentaine d'habitants,
tous très à l’aise. Chaque famille avait son quartier bien à elle.
C'était la joie des enfants les soirs d'arrivées, que ces grands corridors nus
et vides desservant les chambres. Le coté de la bibliothèque de M. de Bourgogne
était réservé à Mme Prouvost, il semblait un asile de mystère digne de
respect. II y avait l’ aile droite, quartier de M. le Chanoine de Bourgogne
dont on voyait dans les portraits du vestibule la figure jeune et rosée un peu
poupine malgré son rochet de dentelle, puis la chambre de Télémaque chère aux
collégiens à cause d'un grand dessin représentant le héros grec. Les meubles,
dont quelques-uns de prix, avaient tous un air vieillot des châteaux inhabités
depuis de longues années. La fade odeur de l’entrée recelait un peu de
désuétude, cependant, par de longues fenêtres, on avait de jolis aperçus de
campagne. Le mont de la Trinite se profilait comme une taupinière sur un grand
clé dominant la plaine et servait de baromètre ; on le trouvait bleu empanaché,
et c'était merveille de voir que le temps était toujours en rapport avec les
prévisions données par la montagne. Puis la pièce d'eau, la barque, le pont
menant au bois de sapins ou la vigne verge rosissait si fort des le mois d'aout
et flamboyait d'un rouge de feu des septembres, et les grands espaces, les
allées sombres et ombragées, vrais délices pour les promenades du matin ou les
lièvres vous barraient le passage, ou sautillaient gentiment les animaux
apprivoises. Lors des fenaisons, les grandes pelouses odorantes offraient avec
leurs meules de foin les taches de vieil argent qui tranchaient sur le vert
sombre des sapins.
Dans les parages du
potager, comment dire les appâts de ces murs couverts de pèches et ces pruniers
en plein vent qu’on balançait sans respect pour voir tomber les fruits tièdes de
soleil et juteux de leur sucre. Les petits murs, barrières et enclos variés qui
divisaient le coin du potager déjà grand comme un petit empire, permettaient
aux intrigants dévastateurs de se dérober par un bout ou par l’ autre
lorsqu’ils entendaient un pas de jardiner. On retombait alors dans le parc de
framboisiers ou dans les plates-bandes de fraisiers et on revenait au château,
l’estomac et la conscience un peu chargée mais le cœur et la tête ensoleillés
par l’ivresse de la nature. La vie à Estaimbourg était très monotone, point
n'est besoin de le dissimuler, et quoique ces souvenirs n'aient le droit
d’évoquer aucune satire, il est avéré qu'on cherchait l’ ombre du parc pour
parer aux inconvénients du soleil, puis le soleil pour se réchauffer de
la fraicheur de l’ ombre, qu'on y discutait avec un esprit charitable et plein
de douceur de I’ opportunité d'un salon au nord ou au midi, qu'on y cherchait
avec une inaltérable patience le bien -être des marmots chéris qu'il fallait
tenir un peu éloignés et qu'on emmenait de temps en temps pour ne pas trop
fatiguer les oreilles maternelles. On parlait aussi pendant les repas des
recettes culinaires les plus agréables au palais. Au moins la médisance était
éloignée de ces conversations. Le soir enfin, on s'endormait en remerciant la
Bonne Providence de tant de jodles goutées dans une paix si profonde. On ne se
plaignait cependant pas de la monotone des jours. L'influence très bien faisant
de Mme Prouvost se faisait sentir très douce à tous, grands et petits. Avec
l’âge, elle était devenue encore plus indulgente, plus peleuse si possible,
toujours souriante de ce bon sourire qui désarmait les moins bien
intentionnés. On la sentait recueille dans une profonde ferveur, et qui aurait
ose exprimer une plainte, manifester un mécontentement?
Elle se faisait toute a
tous et ne se réservait que de longues stations à l’ église si proche du
château que la grille du parc séparait seulement. L'église était, grâce à ses
soins, toujours bien tenue et ornée de fleurs. Elle était sans style avec
son porche bas, le petit cimetière a l’ entrée, et évoquait, cette petite
église de village, un sentiment attendri en contemplant la simplicité de son
architecture, I’ allure un peu barbare de son clocher, et on se répétait
volontiers cette strophe chaque fois qu'on y entrait : Salut, je te revois
encore,
Aussi pauvre, mais plus
touchante Mon clocher d'ardoise que dore La pourpre du soleil couchant Parmi
les arbres et les tuiles je vois encore se pencher son coq aux ailes immobiles
Mon vieux clocher
A l’intérieur, les
tombeaux de la famille de Bourgogne étaient le seul document intéressant. Les
fleurs de papier ornaient la statue de Saint-Ghislain, l’orgue tremblotant
auquel il manquait la moitié des touches et des jeux, ronflait sous les doigts
du sacristain, menuisier du village. Le parfum d'encens mélange aux senteurs de
moisi, avec la sensation de fraicheur d'une cave, tout cela vous prenait à la
gorge, mais on y priait bien et les prônes de la cure étaient écoutes
sans broncher.
Mme Prouvost recevait
de temps en temps son curé et les curés des environs, elle avait un grand
respect pour les prêtres et peut-être avait demande depuis longtemps à Dieu la
faveur de donner à l’Eglise un membre de sa famille.
L'ainé de ses
petits-fils, Henri Lestienne, le tout premier de cette lignée de 27
petits-enfants qui entoura sa vieillesse, fut appelée au sacerdoce. Elle put
jouir des émotions si douces de sa première messe. Dans la sainteté d'une telle
vocation, Il remplit une trop courte carrière de bonnes ouvres de fondations
charitables et d'exercices multiples de Dévouement. Il fut prés de sa
grand-mère pour lui donner les consolations de la foi et lui fermer les yeux.
Dieu couronna cette âme
de prêtre en le ceignant de l’auréole des Saints, car il mourut au champ
d'honneur, comme aumôner militaire, en juin 1915, ayant été plus loin que son
devoir, aussi loin que son ardeur de dévouement pouvait le conduire.
Maintenant les
dernières années de Mme Prouvost sont comptées.
Elle revient à
Estaimbourg cependant tous les étés. Les soirées, par les chaleurs, se
passaient dans la grande galère d'entrée. Malgré son affaiblissement, elle
pouvait encore faire sa partie de whist avec un de ses gendres ou de ses
petits-fils. Les plus remuants sortaient jusqu'a neuf heures pour chercher des
vers luisants ou étudier la cosmographe avec un oncle complaisant, mais les
veillées se terminales tôt à cause du lever matinal pour la messe et aussi du
départ pour Roubaix d'une partie des hôtes. En 1902 l’état de Mme Prouvost devenant
alarmant, on lui recommanda le grand air et le repos d'Estaimbourg. Elle y
arriva très fatiguée a la fin de juin. Elle s'affaiblit très rapidement et
rendit son âme à Dieu le 25 juillet. L'agonale avait été longue et apparemment
douce, avec des sursauts de vêle et des phases de prostration complète. Tous
ceux qui l’approchaient étaient frappés de son aspect si calme, de son
expression d'aménité, Celle qu'on lui avait toujours connue.
L'abbé, son petit-fils, ne la quittait pas. Le dernier soupir étant proche, il attendit jusqu'à midi et demi pour y assister et put de suite dire la sainte Messe dans la petite église qui avait été si souvent témoin des oraisons de sa sainte grand-mère. Deux de ses cousins servirent, la messe, et toute la famille y assista, cherchant à travers le passage cruel de cette terre à un monde meilleur, la figure de celle qui entrait dans le triomphe et pouvait entendre les paroles saintes. « Bon et fidèle serviteur, voici la récompense que je t’ai préparée ».
Souvenirs de Madame Amédée II Prouvost, née Marie Bénat, ici au sujet de ses beaux parents:
D'UN SIECLE A L'AUTRE DE BRETAGNE EN FLANDRE, SOUVENIRS D'UNE GRAND'MERE
Présentés par son petit fils Jacques Toulemonde Roubaix, 1970-1971 Les enfants d’Amédée l et
Joséphine Prouvost furent :
Joséphine Prouvost épouse
de Charles Henri Droulers
Antoinette Marie Prouvost
épouse Henri Lestienne
Amédée Charles Prouvost
époux de Marie Bénat,
* Albert Félix
Prouvost époux de Marthe Devemy
Edouard Joseph Prouvost
époux de Pauline Elisa Fauchille
* Gabrielle Marie
Prouvost époux de Léon Wibaux
Madame Amédée-Charles Prouvost, sa mère Joséphine Morvan et sa fille Jeanne qui épousera Jules Toulemonde
Photo grâce à Philippe Vinchon, leur descendant.
Monsieur Amédée
Prouvost est le type du grand industriel roubaisien, actif, intelligent,
dominant tout un monde par l’exemple, le prestige de son travail et de son
dévouement. Il est, de plus, un artiste et un lettré ; sa maison est une
bibliothèque et un musée d’art. Il se délasse de ses longues journées de labeur
à feuilleter les beaux livres ou à contempler sa collection de primitifs. A son
école, le futur poète apprend le secrêt d’embellir par l’esprit et le goût les
vies les plus austères.
On ne lui dit point,
mais il voit bien que les vertus de ses ancêtres revivent en son père. Il salut
en lui, avec une admiration qui grandira sans cesse, un de ces chefs de l’usine
et du foyer dont il vient de contempler le magnifique cortège » Lecigne,
Amédée Prouvost, Grasset, 1911
« C'est avec une grande affection et un vrai respect que j'ai cherche à évoquer les souvenirs de mes grands-parents, dans quelques pages de mon cru. Ils nous ont laissé un inoubliable souvenir. C'est un hasard qui les a fait se rencontrer mais un divin hasard si j'ose dire. J'ai toujours entendu dire qu'ils attendaient tous deux devant le confessionnal de la chapelle des Etrangers, rue de Sèvres à Paris, et que grand-père ému par la beauté de Celle qui devait devenir sa femme, chercha par la suite à la rencontrer. Le mariage fut célèbre à la basilique Sainte Clotilde, le 2 février 1875. Les orgues étaient tenues par César Franck.
Nos grands-parents formeront
pendant 52 ans le plus uni,
le plus charmant et le plus chrétien des ménages. Ceci est illustré
par le testament du grand-père que m'a communique Hubert Dubois: « Je remercie
ma femme du bonheur qu'elle m'a donné, de ses bontés sans nombre, de sa vertu
qui m'a soutenu, encourage et fortifie. Je lui demande pardon des peines et des
offenses que j'ai pu lui faire. Qu'elle soit indulgente, prie beaucoup et fasse
prier beaucoup pour son époux qui l’a tant aimée ».
Les lecteurs éventuels de ces notes, s'ils s'intéressent à l’ascendance de grand-père, pourront
utilement se reporter à mon livre « Naissance d'une Métropole: Roubaix et
Tourcoing au XIX• siècle », où j'ai
consacré quelques pages à la famille et
aux entreprises Prouvost. J'ai éprouvé une double joie, parmi d'autres, en
réunissant la documentation pour cet ouvrage, de voir le
nom de grand-père à coté de celui de mon grand-père Toulemonde, cote à cote en
1887 parmi les fondateurs du Syndicat Mixte de l'industrie Roubaisienne, le
seul mouvement social et chrétien à l’époque. J'ai eu aussi la joie de relever
dans les archives du Syndicat des Peigneurs dont grand-père fut président de
1892 a 1919, texte suivant, qui bien que daté de 1891 par sa critique du
libéralisme et son souci du bien commun
a un cachet presque moderne. Il s'agit de l’étude de caisses de secours en
faveur du personnel : « Monsieur Prouvost dit qu'il y a beaucoup à faire dans
cet ordre d'idée et sa conviction est déjà ancienne, puisque depuis longtemps
il s'intéresse à ces questions d'économie sociale dans le but de rapprocher le
plus possible les ouvriers et les patrons. En compagnie de nombreux industriels
de la région, Il fait partie des syndicats mixtes qui se proposent ce but.
C'est pourquoi il est amené à formuler quelques réserves sur les principes
votés à la réunion précédente. Sa conviction ancienne et profonde, est que sans
un bien commun supérieur, sans une
autorité qui courbe sous la loi de justice idéale et les ouvriers et les
patrons inspirant à chacun sa règle de conduite, il est impossible de faire
disparaitre les malentendus, les suspicions, que les excès du libéralisme
suscitent parfois ». Grand-père, quelques années auparavant, en 1889, avait participé à un pèlerinage à Rome, de
dix mille ouvriers et patrons, dont six cent cinquante du Nord, venus rendre
hommage à Leon XIII.
Je ne sais pas grand-chose des idées politiques de notre cher grand-père. Il fut certainement dans sa jeunesse royaliste et légitimiste. J'en eus une preuve dans le fait que, quand j'étais enfant vers 1910, il m'offrit un médaillon avec une photo du Comte de Chambord et les fleurs cueillies sur sa tombe. II s'était rendu avec son beau-frère Droulers, aux funérailles du dernier Bourbon de la branche ainée à Göritz en 1883.
Sur ses convictions religieuses, nous sommes bien mieux
renseignés. Il était, comme sa femme, membre du Tiers-Ordre de Saint-François.
Il fit édifier à M'Rira, prés de Tunis, dans un
domaine où il fut associé avec son frère Edouard, une chapelle qui devint
paroisse. II contribua à faire édifier prés de sa propriété de
Mandelieu une chapelle, N.-D. des Mimosas. Il contribua certainement
à la construction du grand couvent de la Sainte Famille a Roubaix, rue de
Lille, où sa belle-sœur, religieuse, tante Jeanne Bénat, laissa un très grand
souvenir. Pendant la guerre de 1914-1918, il prit la tête d'un Comité dit du
Vœu de Roubaix, dans le but de demander à Dieu la protection de la ville, qui
fut heureusement épargnée. Le clocher qui manquait à l’église du Sacré-Cœur,
fut ainsi construit. Il avait de tout temps porté de l’intérêt à l'Orient
Chrétien et présidait le comité de Roubaix de l'Œuvre d'Orient. Son dévouement
à l'Œuvre d'Orient, lui valut d'être
nommé Commandeur de l’Ordre du Saint-Sépulcre, et nous avons
eu sous les yeux une photo de grand-père, revêtu d'une cape prestigieuse, dont
les mauvaises langues disent qu'elle a termine sa carrière comme peignoir de
bain de mes cousins Auger.
C'est pendant la guerre de 1914 que grand-père donna le plus bel
exemple de sa foi patriotique et religieuse. Le 1er mars 1916, il était emmené
par les Allemands avec tout ce que Roubaix comportait de notabilités politiques
et économiques, comme otage au camp d'Holzminden. Cette captivité, écrit
grand-mère dans un petit opuscule « In Memoriam », fut extrêmement dure
pour lui à cause de sa santé précaire, de l’infirmité de sa jambe récemment
soumise à une intervention chirurgicale. J'ai eu des échos de l’admiration
qu'il suscita en se rendant à pied, au lieu de rassemblement. La captivité -
elle devait durer 6 mois bien que dure pour un homme de 63 ans (hiver terrible,
couchage sommaire, promiscuité) ne semble pas avoir altéré sa bonne humeur et
dans ses lettres grand-père ne se plaint pas. Il remercie des photos de famille
qui lui ont fait un immense plaisir. « Odette Lesaffre, sur la photo, m'a
semble très jolie et très grande, Claude est-il toujours aussi diable? Merci
des lettres de ma chère Betsy et de ses envois, de la photo de Simone, je ne
connais pas ma dernière petite-fille. Henry me ferait plaisir en me rassurant
sur mon Assurance Vie, je ne puis payer les primes. Solange a été bien gentille
pour moi, j'ai vu les photos de ses
enfants, le bon sourire de Georges annonce un heureux caractère
». En se
prolongeant, la captivité lui devenait de plus en plus
pénible. Son cousin et
compagnon de captivité, Henri Prouvost, était mort dans
ses bras et cela
l’avait beaucoup affecté. Rien ne manqua a son angoisse,
il fut hospitalisé six
semaines au lazaret du camp, a cause d'une grande dilatation de
l’aorte, qui
donnait des complications cardiaques. Il fut en grand danger.
Grand-mère
poursuit dans l’opuscule déjà cité : «
Après six mois de captivité, le retour à
Roubaix fut une meurtrissure pour son cœur, trouvant une maison
vide de toutes
ses affections et pleine d'Allemands installés en maîtres.
En outre, par suite
d'information erronée, tant à Roubaix qu'à
Holzminden, on s'attendait à ce que
les otages libérés fussent dirigés vers la France
libre. Grand-mère et Mimi
partirent, en conséquence, pour la France libre, vers laquelle
les Allemands
organisaient parfois les trains via la Suisse, et quand
grand-père revint à
Roubaix, la maison était vide; il semble d'après les
documents que m'a
communiqués Hubert Dubois et dont grand-mère a
donné lecture a ses enfants avec
un admirable courage au lendemain des funérailles de son mari,
que grand-père
ait été a nouveau inquiète par les Allemands
après son retour de captivité. On
lit en effet en date du 12 novembre 1917 :
« En partant au tribunal de guerre, «je ne cesse de penser à
toi, chère compagne, â mes chers enfants, à mes petits-enfants, et à toute la
famille. Si ma santé devait être ébranlée, et que je succombe dans mon cachot,
je mourrai en bon chrétien et en partant vers Dieu ma dernière pensée, mes
dernières bénédictions seront pour vous. J'ai le cœur qui saigne, mais j'ai
l’âme en paix, je serai courageux dans mes heures de souffrance, je vous
embrasse tous avec affection et tendresse. P.S. Que mes petits-enfants
demeurent de bon chrétiens fideles à nos traditions familiales. « Laus Deo
Semper! " C’est dans les mêmes dispositions de foi et de courage qu'il
devait mourir prés de dix ans plus tard.
Chez Amédée-Charles et Marie Prouvost, 113, boulevard de Paris à
Roubaix
« Face
à la porte d'entrée, s'élevait une sorte de
coupole
destinée à mettre a I’ abri de la pluie les
équipages et leurs passagers. Cette
coupole avait reçu en famille le nom de «
pâté chaud ». L'oncle Amédée, jeune,
espiègle et taquin, avait peu après sa construction
envoyé un télégramme à l’architecte
pour lui annoncer que le « pâté chaud»
s'était écroulé, ce qui ne s'était
produit que dans son imagination. » « La
porte une fois
franchie, il fallait monter quelques marches pour accéder
à un spacieux
vestibule, la première pièce sur la droite était
le bureau de grand-mère dont
le principal ornement était un bureau à cylindre qui
avait été celui de son
père, dont le portrait se trouvait accroché au mur. Le
bureau a été acquis,
sauf erreur, par J. Lesaffre. Dans cette même pièce se
trouvait un tableau de
Martin, peintre ordinaire du Roi, représentant Mme de Maintenon
et les filles
naturelles de Louis XIV. Ce n'est pas grand-mère qui m'expliqua
le sujet du
tableau, car je n'y aurais rien compris ; le tableau est actuellement
dans mon
salon.
La pièce voisine était la bibliothèque, dont à l’occasion
de quelques rangements nous recueillîmes, mon frère Jules et moi, quelques
épaves qui charmèrent notre enfance. Dans I’ une des armoires se trouvaient de
merveilleux cigares de Havane, Henry Clay, que grand-père offrait généreusement
a ses petits-fils soldats, et qui, fumés le lendemain, en acquirent une
certaine célébrité à la caserne du 41me d'Artillerie a Douai.
Les deux pièces voisines étaient deux très beaux salons, l’un
donnant sur le boulevard, l’autre le salon blanc donnant sur le jardin. Le
premier salon comportait une cheminée de marbre surmontée d'un grand portrait
en pied de la princesse de Conti, fille naturelle de Louis XIV, c'est du moins l’explication
que m'en donna grand-père en 1927 peu avant sa mort, et cette fois, je compris.
Ce très beau tableau de C. Van Loo est actuellement chez ma sœur Jeannette. Ce
qui peut donner une idée de la dimension de ce salon, c'est que deux pianos à
queue étalent à I’aise. Je conserve un souvenir enchanté du jeu de grand’mère
et de l’ oncle H. Dubois. C'est en l’écoutant que je connus, enfant, les noms
de Debussy, Granados et Albéniz. Des tableaux, naturellement, ornaient les
murs. Je me souviens notamment du portrait de son grand-père, le général
Morvan, qui me faisait grande impression et qui le fit aussi sur mon plus jeune
fils qui, encore enfant, me poussa à I’ acquisition dans la succession de ma
mère.
Le salon blanc, ainsi nommé en raison des meubles et de la
cheminée de marbre blanc, avait ses murs ornés de tableaux de Guardi et de
portraits du XVIIIème siècle anglais, la seule grande époque, selon moi, de la
peinture anglaise.
Donnant encore sur le jardin, une grande salle à manger; la
cheminée était supportée par des sortes de grands géants barbus a I’ échelle
réduite, mais à la forte musculature et dont nous allions volontiers
chatouiller le nombril. A gauche de la cheminée, un tableau de J. Weiss, ami de
grand-père, auquel, sur sa demande, j'allais rendre visite dans sa propriété
prés du merveilleux parc du Duc de Norfolk et qui m'a dit que quand il avait
des cauchemars, il pensait qu'il allait vendre du tissu a Bradford et
Manchester, ce qui n'était guère encourageant pour le jeune fabricant que
j'étais alors. A droite de la cheminée, des tableaux de Troyon ; je me souviens
d'une conversation de grand-père avec I’ historien Franz Funk Brentano qui
avait des tableaux presque identiques. Tous deux étalent d'accord pour dire que
leurs tableaux étaient bien du Maître et que le Louvre en possédait seulement
des copies. Face a la cheminée, seule concession a la peinture moderne, deux
tableaux d'H. Martin dont un au moins se trouve chez les Auger à Ville-d'Avray.
Dans cette salle à manger étaient servis des repas savoureux, dus au talent
notamment de Zélie. » « Parfois les repas de famille étaient
bien un peu solennels pour la jeunesse en bout de table, surtout quand Mgr
Laugier, directeur de I'Oeuvre d'Orient, aux yeux de charbon et à la
barbe fleure, appelait grand-père d'une voix de basse « M. Le Président ». II
n'y avait qu'une ressource pour détendre I’ atmosphère en cette occasion :
pousser hypocritement un jeune cousin Dubois à quelque espièglerie. »
A gauche de l’escalier d'entrée se trouvaient le vestiaire et I’
escalier de service aux larges dimensions. Je conserve souvenir surtout de l’odeur
de ce vestiaire due, je crois, à I’ essence des boiseries qui le décoraient, du
merisier peut-être. Un escalier d'honneur de larges dimensions conduisait au
premier étage. Les marches en étalent surmontées par un immense tableau,
actuellement chez moi, représentant une apparition de la Sainte Vierge à Sainte
Catherine de Sienne semble-t-il, par Alonzo Cano. Ce tableau avait été acquis
par nos grands-parents, encore jeune ménage, et occupait du plancher au plafond
la hauteur d'une chambre de leur maison, rue Neuve. Le premier étage comportait
un vaste vestibule dont la pièce maitresse et le centre était l’oratoire.
Parfois, un prêtre ami y disait la messe et presque tous les ans la messe de
minuit y était célébrée a Noël par un de mes anciens professeurs qui avait,
selon certains, la mauvaise habitude de dire consécutivement les trois messes
de Noel. C'était un peu trop pour la piété des fidèles qui s'égaillaient, ou
pour Marcel Segard qui sommeillait malgré les chants de Noël qui émanaient du
rez-de-chaussée. L'oncle Henry Dubois essayait de tirer le meilleur parti d'un
orgue un peu délabré, en accompagnant la voix d'or de tante Marthe.
En dehors des chambres le premier étage comportait, à droite, le bureau de grand-père, dont le principal ornement était de petits Corot d'Italie. Au second étage, dans deux pièces et un vestibule était logée, assez au large, la galerie de tableaux qui fut aussi I’ enchantement de notre enfance. Pour ceux de mes cousins qui ont conserve le catalogue illustre de la vente effectuée le 22 octobre 1927 à Amsterdam,
Photo Miguel Flipo avec nos remerciements
je signalerai ceux de ces tableaux dont j’ai conservé surtout le
souvenir. Le meilleur lot de tableaux se trouvait dans la salle de gauche en
montant et consacrée à la peinture flamande. Numéro 404 : Le portement de
Croix de P. Brueghel le jeune. Grand-père m’en a fait compter les
nombreux personnages. Numéro 406 : Portrait de jeune femme, de Van Cleef.
Ce très beau tableau, admire par toute la famille, généralement masqué par un
soierie et, après avoir fait I’ objet de nombreuses expertises et
d'attributions prestigieuses, fut vendu aux enchères d'Amsterdam.
Le plus haut prix semble avoir été donné pour le numéro 413,
Maître de Bruges : Portrait d'une dame âgée.
J'ai toujours eu beaucoup d'amitié pour le numéro 426
dont on disait en famille qu'il était le portrait de Montaigne
et dont on m'invitait à compter les cheveux. J'ai conserve un très bon souvenir
pour la profondeur et la transparence de ses bleus, du numéro 459, école de Y.
Patiner et ai toujours beaucoup d'attention pour les tableaux de ce peintre.
Dans une armoire ancienne était conserve le tableau le plus
précieux, sentimentalement du moins, de toute la galerie. Cette crucifixion,
attribuée à Van Der Weyden, ne fut pas mise en vente à Amsterdam. Grand-mère y
attachait beaucoup de prix car I’ oncle Amédée avait demandé que ce tableau fut
apporté dans sa chambre pendant son agonie. Mis en vente après la mort de
grand-mère à l'hôtel Drouot, il fut I’ objet d'une compétition entre tante
Thérèse et moi-même agissant pour le compte de ma mère. J'ignorais du reste
cette compétition, qui ne me fut connue qu'au moment ou ma chère tante, qui
était ma voisine, se vit attribuer le tableau par le commissaire-priseur auquel
elle avait donne ses instructions. J'avais cherché sans succès à retrouver la
trace des tableaux dispersés a Amsterdam, je n'ai retrouvé la trace que d'un
seul, le numéro 422, un Jugement de Paris, mais il était trop tard pour I’
acquérir. II est resté à Amsterdam; je I’ ai retrouve une première fois au
Rijksmuseum auquel il avait été légué par Sir Henry Deterdinf, directeur de la
Royal Butch. J'ai retrouvé ce petit tableau, dont les chastes nudités étalent
voilées à nos yeux d'enfants, quelques années plus tard sous le numéro 840 dans
le plus beau musée du monde a mon goût, le Mauritshuis à La Haye, sous le
numéro 846.
Un
vestibule servait de passage entre les deux pièces de la
galerie de tableaux. C'est là que se trouvait le «
Jugement de Paris » que je
viens d'évoquer. Le cardinal Charost, premier
évêque de Lille et, tous les ans,
invité de nos grands-parents, appréciait fort le tableau.
Des colonnes en bois
sculpté, une tête de vieille femme que grand-père
attribuait à Rubens, les
anges musiciens dans le style de Memling dont grand-père disait
qu'ils avaient
inspiré J.-S. Bach, sont les œuvres les plus saillantes
dont je me souvienne
dans cette pièce. La grande pièce voisine donnant sur le
boulevard, était
consacrée à la peinture généralement
Française des XVII° et XVIII° siècles. Les
tableaux n'avaient pas le même prestige que ceux de la galerie
voisine. »
« Cette grande maison blanche fut l’enchantement de mon
enfance et je crois bien de celle de tous mes cousins. J'en conservé un
inoubliable souvenir un peu assombri par le fait que je reçus en 1942 la
procuration des héritiers pour signer I’acte de vente de cette maison pour un
prix qui, selon moi, représentait à peine le double de ce qu'elle avait couté à
construire en 1895. II est intéressant de noter qu'en même temps que grand-père
construisit ce qui était un peu un palais, ses frères Albert et Edouard
construisaient sur le même boulevard de Paris des maisons aussi prestigieuses,
ce qui donne une idée assez précise et flatteuse de l’industrie du peignage à
cette époque. L'architecte fut M. Liagre, ami de grand-père. »
« Une description du 113, boulevard de Paris serait
incomplète si je n'évoquais pas le jardin et les écuries. Le jardin était de
dimension relativement modeste, mais il bénéficiait du voisinage immédiat de
I’avenue conduisant du boulevard de Paris au château Bossu puis Cavrois. Cela
facilitait les communications avec la maison de mes parents et celle d'Edouard
Prouvost. A la fin du siècle dernier, toute grande maison bourgeoise comportait
des écuries, mais nous n'y vîmes jamais ni chevaux, ni voitures. Par contre nos
grands-parents, sans doute émus du traitement que leurs petits-enfants
faisaient subir à leur mobilier, nous réservèrent ces écuries comme terrain de
jeux sous le nom de « Hurlerie ». Les chevaux avalent été remplacés par les
autos que grand-père avait très vite adoptées. Les marques en avaient été
successivement Mors et La Buire. Si les modèles se succédaient, le chauffeur
était toujours fidèle au poste. II se nommait François Depléchin, astiquait à
merveille les cuivres des phares. II conduisait fort rapidement; je me souviens
d'une remarque de Mimi Auger, disant que François conduisait comme un fou et
faisait notamment la route de Lille en 9 minutes. Je crois qu'i1 est difficile
actuellement, en raison des feux rouges, d'égaler le record. François jouissait
d'un grand prestige auprès de mon frère Xavier et de Claude Lesaffre, dont il
évoquait le souvenir pour moi, 30 ans après avoir quitte le service de mes
grands-parents.
Apres la guerre de 1914, la grande maison blanche du boulevard
ne retrouva jamais plus le même éclat qu'aux années d'avant-guerre. Nos
grands-parents y étaient seuls, une moitié au moins de leurs descendants
n'était pas revenue dans le Nord après la guerre, et le ménage Auger les
attirait tout particulièrement dans la capitale. ils avalent par ailleurs
acquis à Mandelieu, vers 1920, une propriété où ils recevaient leurs
petits-enfants avec grande générosité.
La dernière belle réception que nos grands-parents donnèrent
boulevard de Paris, à I’ occasion de leurs noces d'or, eut lieu en 1925. »
Textes de Jacques Toulemonde écrits à Roubaix en 1970-71 dans une
brochure intitulée : D’un siècle à l’autre de Bretagne en Flandre :
Souvenirs d’une grand’ mère présentés par son petit-fils.
L’avenue de Paris s’appelle avenue Charles de Gaulle à Roubaix
Marie Prouvost
Grand-mère lui survécut quatorze ans. Je détaillerai moins sa
vie, puisque la meilleure partie de cet ouvrage est constituée par ses
souvenirs et que si comme l’a dit Buffon « Le style c'est l’homme ", toute
la personnalité de grand-mère apparait bien
dans ses écrits : sa grande culture exceptionnelle chez les femmes du
Roubaix de cette époque, sa naturelle distinction, la générosité envers les
autres et l’ austérité pour elle-même, beaucoup d'esprit et parfois caustique
comme son mari, elle eut une activité sociale et religieuse importante et fut
de nombreuses années présidente de la section de Roubaix de la Ligue
Patriotique des Françaises, en abrégé «La Ligue », l’équivalent de ce
qu'est l'Action Catholique à notre époque. C’est par hasard, presque
miraculeusement, que je rencontrai grand’mère pour la dernière fois. C’était en
octobre 1940, je ramenais d'Auvergne ma femme, mes huit enfants, une
domestique, je crois, et un invraisemblable « barda », dans une remorque, quand
nous croisâmes sur la route I’ oncle Georges Hendricks. Bien que l’horaire fut serré et la régularité de
ce voyage fort contestable, l’oncle Georges nous dit que nous avions vraiment
le devoir de faire un petit détour jusqu'à Coudray. C’est ainsi que ma fille
Brigitte vit pour la dernière fois sa marraine, et les plus jeunes de mes
enfants pour la première fois leur arrière-grand-mère.
Pour mieux évoquer notre chère grand-mère, j'emprunterai la voix
de son fils Amédée:
Vous fûtes l’ange doux de mon adolescence
Aux regards inconnus qui nous voyaient passer
Quand j'inclinais vers vous, tremblant, ma confidence
Nous avions l'air ému de nouveaux fiancés
Votre jeunesse avait rapproché nos deux âges
Identiques de goûts et de penser jumeaux.
Pour l’intelligence de ce qui va suivre, il est nécessaire de
donner quelques détails sur les ascendants de grand-mère. Son père, Gustave
Bénat, nous est connu, tant par les souvenirs qu’on va lire, que par un
très bon portrait que, sauf erreur, Mimi Auger a acquis lors de la dispersion
du mobilier du 113, boulevard de Paris. Son père, J.-A. Bénat, était
officier de la garde royale sous la Restauration, les parents de cet officier
s'étaient mariés à Vence sous la Révolution. Son portrait ainsi que celui de sa
femme figuraient à droite ou à gauche de la cheminée de marbre du grand salon,
que je décris plus loin. Ces portraits se trouvaient chez l’oncle Henri et
tante Betsy, rue Nationale, et donc certainement encore dans la famille Dubois.
M. et Mme G. Bénat n'eurent que deux filles, Jeanne et Marie (notre
grand-mère). Tante Jeanne Bénat,
née en 1853, entra très jeune dans un ordre religieux, dont le siège était, et
est toujours à La Délivrance ou Langrune dans le Calvados. Elle vint à Roubaix
où elle eut une grande influence; c'est certainement sur ses instances que
grand-père, aidé d'amis, construisit le très beau couvent qui existe toujours.
Mais comme il arrive parfois dans les ordres religieux, les personnalités
fortes sont déplacées. Tante Jeanne Bénat quitta donc Roubaix et sa
congrégation pour entrer dans celle du Cénacle. Ma chère maman en avait
conservé une méfiance instinctive, envers les petits ordres, dont elle me fit
part à l’ occasion de l’entrée de mes fils, Philippe et Daniel, dans des ordres
qui n'avalent pas l’importance ou l’ancienneté des Jésuites, qui avaient toutes
ses complaisances. Tante Jeanne Bénat, que les ainés de mes cousins ont un peu
connue, était une femme de grande taille, même à peine voutée par l’âge. Elle
avait dû être au moins aussi jolie que grand-mère; comme elle, elle avait une
grande distinction. Après avoir résidé dans les couvents de son ordre à Rome et
à Naples, elle passa la plus grande partie de sa vie religieuse à Marseille, où
était né son père. Elle y vivait dans une austérité et un isolement que seule
une âme bien trempée pouvait supporter à
l’âge avancé où je l’ai connue. L'un de mes fils religieux lui ressemble
beaucoup.
La mère de Madame Amédée-Charles Prouvost :
Gustave Bénat avait
épousé en première et unique noce notre arrière-grand-mère, Joséphine Morvan,
que les ainés de ses arrière petits-enfants ont bien connu sous le nom de bonne maman Cordonnier.
En effet bonne maman avait épousé en secondes noces, Louis Cordonnier (de
Roubaix). Voici en quels termes Alfred Motte-Grymonprez, dont l’
arrière-petit-fils Eugène Motte-Lefebvre m'a remis 3 volumes de
correspondances, fait part à ses fils de cet événement, en juin 1876 : « Toute
la ville est en émoi par suite du remariage de M. L. Cordonnier, âgé, dit-on de
63 ans, avec Mme Bénat, mère de Mme Amédée Prouvost jeune, on dit que les
enfants de L. Cordonnier acceptent avec résignation le parti que leur père a
cru devoir prendre. Je les admire car, à 63 ans, je crois qu'on est plus prés
de la tombe que d'une couche nuptiale ». Alfred Motte ne s'était pas trompé, M.
L. Cordonnier décéda après quelques mois de mariage, bonne maman Cordonnier dut
quitter la belle propriété mitoyenne de celle des Hendricks au Reverdi pour
s'installer dans la maison de la rue du Château qui existe toujours, elle
survécut 37 ans à son second mari. Elle est enterrée au cimetière de Roubaix,
ou reposent également son premier mari G. Bénat et la mère de ce dernier, G.
Vial, veuve de J.-A. Bénat décédé à
Paris le 10 janvier 1849. Tous les ans à la Toussaint je fais fleurir
leurs tombes. La bonne maman Cordonnier que j'ai connue était celle que
grand-mère décrit en ses dernières années, « ses années de réclusion dans son
salon, au rez-de-chaussée, d'abord, dans celui du premier étage ensuite, dans
sa chambre après, assise à peu près droite toujours dans son grand fauteuil
bleu, puis dans son lit depuis six mois, n'altéraient pas son caractère, ferme,
autoritaire. Si nous voulions lui faire plaisir, nous la mettions sur le
chapitre des bals au Palais Royal chez le Duc d'Orléans, seule fête d'ou elle
fut rentrée au petit jour, et ou elle vit Paris, sortant de sa léthargie
nocturne ou aux Tuileries sous Louis-Philippe. Elle
assistait assez souvent aux grandes réceptions où le Roi faisait volontiers le
tour des salons, c'est ce qui avait motivé cet ébahissement de notre fils
Amédée qui très jeune, connaissant a peine les détails de I’ histoire de
France, encore moins en tout cas son histoire contemporaine, disait : « Quand
on pense que bonne maman a connu Philippe-Auguste, ne retenant des réceptions
chez Louis-Philippe que la confusion des prénoms ».
La maison de la rue du Chateau était meublée avec goût. Un
tableau, d'un romantisme un peu languissant que ma mère avait achète à tante
Claire, a trouvé refuge dans un mas de Provence. Un très beau meuble que ma
mère appelait le « Magnifique » secrétaire est actuellement chez ma nièce
Annick Tiberghien. Un souvenir assez marquant de cette maison, âmes yeux
d'enfant, était le fait qu'un lustre se reflétait dans deux glaces qui se
faisaient vis-à-vis et que la multiplication de cet objet donnait une idée de
l’infini. Ma femme conserve un souvenir pittoresque de cette maison. II y a
quelque 60 ans elle était conduite en classe à l’ école de la Sagesse toute
proche, par une domestique amie des bonnes de bonne maman : Blandine et
Gabrielle. Cette domestique était venue avec Francoise rendre visite à ses
amies. Elle ne connut de cette maison que la cuisine, les domestiques de bonne
maman entendant le pas et la canne de leur maitresse et craignant d'être
réprimandée pour avoir introduit une étrangère dans la maison enfermèrent
Francoise dans un placard. J'espère pour elle qu'elle avait eu l’occasion avant
cette claustration de déguster la spécialité de Blandine, des tartines fourrées
à la cassonade, et repassées au fer, dont je conserve après 60 ans un souvenir
ému. Avant de résumer la vie du général Morvan, écrite par grand-mère, je dois
quelques explications.
Les frères et sœurs de Madame Amédée-Charles
Prouvost : Bonne maman avait à ma connaissance trois sœurs, qui étaient Mme
Husson, Mme Lebrun, femme du général qui était le parrain de ma mère et qui ne
faisait à sa filleule que des cadeaux utiles et peu couteux, un peigne par
exemple, ce dont ma mère était bien
marrie, et deux frères, Oliver et Arthur, dont je ne sais quelles furent
les carrières, ni les alliances, je crois qu'ils posèrent des problèmes à leurs
parents. La tante Lebrun eut deux fils, l’un Frédéric, officier de bel avenir,
mourut subitement au cours d'une manœuvre, l’autre Victor eut une existence
bien pénible, jeune officier et jeune
marié, il devint subitement fou. Notre génération a un peu connu sa femme.
Juliette Lebrun, elle, était de religion protestante et se convertit au
catholicisme. Le ménage Lebrun n'eut pas d'enfants.
Une
autre sœur de bonne maman était la tante Adrienne,
décédée
prés de Lorient en 1909. Grand-mère dans quelques pages
consacrées a sa tante,
fait une description du cimetière ou elle est enterrée,
et je crois bien que Henry Duby est le seul membre de la
famille à avoir visité, description tellement plaisante
que cela donne envie
d'y établir sa dernière demeure. « Le paysage du
cimetière du Carmel est
délicieux, on voit la baie de Lorient au large et a marée
basse la verdure qui
recouvre les rochers, la grande bleue, les navires à
l’ancre, les tombes font
au premier plan un décor superbe ». Adrienne Morvan ne
s'était jamais mariée,
ainsi, les familles Bénat et Morvan se seraient éteintes
si, loin de la
Provence et de la Bretagne, en bonne terre de Flandre, n'avait surgi un
rameau
tellement vivace qu'en 1962, le nombre des descendants vivants des
époux
Prouvost-Bénat était de 343, ce qui doit bien
faire 500 a ce jour. Pour ceux de mes petits-cousins lointains et
beaucoup inconnus, qui ignorent la région du Nord, je signale un
taux de
progression d'une famille particulièrement frappant. M. et Mme
Motte-Clarisse,
lointains ancêtres de ma femme et de moi-même, se
marièrent a Tourcoing en l’
église St-Christophe en 1784, le nombre de leurs descendants
vivants le 20 août
1962, était de 8.344. Il y a lieu de défalquer 1.869
descendants provenant de
mariages consanguins, chiffre réel: 6.475.
Le grand père de Madame Amédée-Charles Prouvost
Le Général Frédéric Pierre Morvan
(1786-1873)
X 1804
Chevalier de Saint-Louis
Chevalier de Saint-Ferdinand d'Espagne.
Commandeur de la Légion d'honneur
Général de division
membre du comité des fortifications et commandant le génie à
l'armée des Alpes.
Biographie extraite de Wikipedia
Il est fils du jeune et infortuné avocat et poète, Olivier-Jean
Morvan, l'un des 26 administrateurs du Finistère, ayant levé des troupes pour
protéger les Girondins qui furent guillotinés place du Château à Brest le 3
prairial an II ( 22 mai 1794).
Reçu à l'École polytechnique (X 1804), M. Morvan passa en 1807 à
l'École d'application de Metz, et, en 1809, à l'état-major du 3e corps de la
grande armée en qualité de lieutenant en second de sapeurs à la suite. Il fut
chargé de la direction de divers travaux des camps et cantonnements en Moravie,
partit pour l'armée d'Aragon, comme lieutenant d'état-major du génie, et prit
une part glorieuse au siège de Méquinenza.
Nommé capitaine en second de sapeurs, il fut chargé de la
construction et de la défense de la tête du pont de Xerta. Il prit part au
siège de Tortose, dirigea les retranchements de Perillo et du Plati et des
travaux du col de Bologne, ce qui lui mérita le grade de capitaine en premier
de sapeurs le 30 janvier 1811, et celui de capitaine en second à l'état-major
du génie le 1er juillet suivant.
M. Morvan se distingua à la défense du fort Saint-Philippe, au
siège de Tarragone, et à celui de Sagonte il fut blessé en conduisant une sape,
le 16 juin 1811, et, le 28 suivant, à l'assaut du corps de la place : ces deux
faits d'armes lui méritèrent la décoration de la Légion d'honneur. Aux travaux
du siège de Valence et de Peniscola, à la défense de Dénia, il déploya beaucoup
de zèle et d'habileté. Fait prisonnier en 1813, il fut conduit aux Baléares. Il
venait d'être atteint d'une balle dans le corps.
Sorti des prisons de Majorque en 1814, M. Morvan fut mis en
cantonnement dans les Pyrénées, et de là envoyé à Concarneau.
En 1815 , il se prononça pour le régime impérial et empêcha le
commandant d'armes de livrer la place aux chouans. Il fut employé sous les
ordres des généraux Lamarque et Travot.
La Restauration le mit en surveillance et en demi-solde.
Rappelé en 1816 comme capitaine du génie, il fut employé à Brest
puis à Concarneau.
Il participa à l'expédition d'Espagne en 1823, en qualité de
chef de bataillon, fut chargé de l'investissement de Saint-Sébastien, du siège
de l'île de Léon, comme chef d'attaque de San Pietri, et fut nommé commandant
du génie à Cadix.
M. Morvan fut créé, dans cette campagne, chevalier de
Saint-Louis et de Saint-Ferdinand d'Espagne. Lors de l'évacuation de la
Péninsule, il fut directeur des fortifications à Bayonne, à Péronne et à
Amiens, comme lieutenant-colonel en 1832. En 1837 il fut nommé colonel du 2e
régiment du génie, et, l'année suivante, directeur des fortifications à
Saint-Omer.
Il fut enfin promu au grade de général de brigade le 14 avril
1844, et, le 12 juin 1848, nommé général de division.
Il est commandeur de la Légion d'honneur, membre du comité des
fortifications et commandant le génie à l'armée des Alpes.
Source « Frédéric Pierre Morvan », dans Charles Mullié,
Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à
1850, 1852
D'UN SIECLE A L'AUTRE DE BRETAGNE EN FLANDRE
SOUVENIRS D'UNE GRAND'MERE PRESENTES PAR SON PETIT-FILS
Souvenirs de Madame Amédée-Charles Prouvost, née Marie Bénat,
petite fille du général Frédéric Morvan ; transmis par son
petit-fils Jacques Toulemonde.
« Il y a 90 ans, en octobre 1880, notre chère grand-mère
commençait par ces mots, une notice biographique relative à son grand-père, le
général Morvan. »
Sa mère, Jeanne Marie Danguy des Déserts, mourut à 32 ans en le mettant
au monde. Un membre de la famille Danguy des Déserts est actuellement moine à
la Trappe du Mont des Cats, dans le Nord, un autre est apparent à la famille A.
Lefebvre.
Le père de F. Morvan était Olivier Jean Morvan, né à Pont-Croix
dans le Finistère. Il était d'une ancienne famille de robe et lui-même, avocat
distingué, avait obtenu comme poète de brillants succès. Il était capitaine de
la garde nationale de sa ville natale et fut élu administrateur du Finistère le
7 juin 1790. En 1793 la plupart des administrateurs du Finistère furent
arrêtés, Olivier Morvan fut d'abord incarcéré à Landerneau puis à Brest, dans
la prison de cette ville. Craignant une issue fatale à son procès, il réussit à
persuader ses geôliers de lui donner la permission d'aller embrasser son fils
et sa fille, promettant de revenir se livrer à la date fixée. Frédéric Morvan
ne fit qu'entrevoir son père. Le 22 mai 1794, celui-ci était guillotiné sur la
place du Triomphe du Peuple (place du Château). La foule, à la chute de chaque
tête de ses élus, s'écriait : Vive la République ! Les deux orphelins d'Olivier
Morvan allèrent habiter Concarneau chez les sœurs de leur père.
Leurs tantes étaient de vieilles filles à l’âme noble et fière.
Quand dans un geste d'apaisement la Ville de Brest fit offrir aux demoiselles
Morvan 40.000 francs pour la tète de leur frère, elles refusèrent. Frédéric
Morvan, après de brillantes études entra à l'Ecole Poly technique fondée depuis
peu. Il en sortit dans les premiers et choisit l’arme du Génie. En 1809, il
était lieutenant et envoyé à l’armée d'Allemagne, il rejoignit son poste à
Vienne peu âpres la bataille de Wagram. De là, il fut dirigé vers l'Espagne ou
Napoléon devait essuyer ses premiers revers. Au siège de Tarragone, en 1811, il
fut deux fois blessé. En 1812, devenu
capitaine, il soutint le siège de Dénia pendant 7 mois, avec une seule
compagnie. Il fut blessé en repoussant un assaut et fait prisonnier. Il fut
incarcéré à Palma de Majorque pendant 6 mois. Il ne resta pas inactif durant sa
captivité, Il en profita pour apprendre l’espagnol et s'adonner a la musique,
guitare et flotte. En mai 1814, à la suite d'échange de prisonniers, il était
libre. Pendant les Cent-Jours, il eut à lutter contre une reprise de la
chouannerie en Bretagne, ce qui lui valut, au début de la seconde restauration,
d'être mis en demi-solde. En décembre 1816 il était rappelé à l’activité avec
garnison à Concarneau ou il avait passé presque toute son enfance.
Un an plus tard, le 25 novembre 1817, il épousait Jeanne Honorée
Riouw, fille de Jean René Riouw, armateur a Douarnenez. La dot de Jeanne était
de 30.000 F. Frédéric Morvan n'apportait que son épée. Le montant de la dot de
Jeanne me parait très élevé, si je le compare à celui d'autres aïeules
sensiblement de la même époque. Je possède de cette aïeule un excellent
portrait en buste que je tiens de ma mère qui le tenait De ses parents. Le
modèle avait alors 40 ans, Je possède aussi un souvenir personnel de cette
arrière-arrière-grand-mère, un coffret que lui avait offert la Reine
Marie-Amélie, l’épouse de Louis-Philippe, en 1842, à Saint-Omer.
· En 1823,
Frédéric Morvan partait à nouveau en campagne, et à nouveau encore en Espagne.
Cette guerre fut un peu l'œuvre de Châteaubriant qui voulait donner au drapeau
blanc le lustre militaire qui lui manquait. Notre ancêtre fut nommé par ses
chefs gouverneur de l’Andalousie, l’un des plus beaux pays qui soit au monde.
Je me demande si notre chère grand-mère, que je cite mot pour mot, ne « galèje
» pas un peu. Je vois très mal un tel poste confié au chef de bataillon qu'il
était à l’époque. En tout cas il revint de cette guerre chevaler de Saint-Louis
et de Saint-Ferdinand d'Espagne, médailles qui sont venues apporter un peu de
variété aux médailles qui m'impressionnaient fort dans mon enfance et qui
impressionnent aujourd'hui mes petits-enfants, où la légion d'honneur est
représentée a tous les états : rosette, cravate et plaque. Frédéric Morvan fut
successivement commandant, du Génale à Bayonne et à Péronne Dans cette dernière
ville il reçut en 1833 le roi Louis-Philippe revenant de Bruxelles, où il avait
été assisté au mariage de sa fille avec Léopold l°, roi des Belges. Le roi lui
exprima ses félicitations pour les améliorations apportées aux fortifications
et lui demanda ce qu'il pourrait faire pour lui en signe de satisfaction. «
Rien Sire, votre estime me suffit », Madame Morvan, d'après notre grand’mère,
jugea très noble mais par trop désintéressé le refus d'un appui. Le ménage
Morvan reçut à Péronne d'autres visiteurs, dont Victor Hugo. Le caractère un peu fier de notre
ancêtre eut encore l’occasion de se manifester à Saint-Omer, où il fut nommé
avec le titre de maréchal de camp, équivalent à général de brigade. J'ai lu
mais n'ai pas retrouve la référence, une polémique de notre aïeul pour une
question de préséance avec le sous-préfet, digne de Saint-Simon. De 1845 à
1848, il fut inspecteur général de son arme en Algérie et en France. Il semble
que Frédéric Morvan ait conservé bon souvenir de cette époque, de Louis-Philippe
et de sa famille, Le général Morvan, qui avait été souvent admis aux réceptions
intimes du Roi, n'avait jamais contemplé sans admiration le spectacle
qu'offrait la Reine toujours entourée de ses filles, travaillant avec ardeur à
des ouvrages destinés à des loteries de bienfaisances. La duchesse de
Montpensier toute jeune mariée, jetait un regard à la dérobée sur l’horloge,
impatiente de quitter ce cadre un peu pesant, pour une promenade incognito au
bras de son mari, ou une soirée au théâtre.
· Apres la révolution de février 1848, le
général Morvan eut à intervenir à Paris à l'Ecole Polytechnique dans des
conditions très semblables à celles de mai 68. « En 1849 un souffle de révolte
avait passé sur l'Ecole. Les élèves, peut-être surexcités et exaltés par la
pression trop forte qu'exerçaient les chefs et désireux de montrer une
insoumission qui semble de règle dans bien
des écoles (écrit en 1882) se soulevèrent en insurgés, et force fut au
gouvernement d'intervenir et de menacer de licencier l’école. Le général Morvan
fut chargé de porter cette décision aux élèves par un ordre de mission du
Ministère de la Guerre. Il trouva des jeunes gens hors d'eux, qui ne voulaient
entendre aucune parole de paix ni de conciliation. Cependant au lieu de commencer
par les menaces et les mesures de rigueur, il évoqua ses années d'étude dans
cette même école, la nécessité qu'il avait sentie, lui orphelin, de se tracer
un avenir, de la chance qu'avaient ses interlocuteurs d'avoir encore leur
famille, qui risquait d'être consternée s'ils étaient licenciés à cause de leur
insubordination. Il faut croire qu'il fut éloquent, les élèves se calmèrent et
le général Morvan reçut les félicitations du Conseil des Ministres. Ses
rapports avec le Prince-Président puis Empereur, furent plus tendus qu'avec la
famille de Louis-Philippe. Il fallait bien
de temps en temps paraitre aux jeudis de l’Elysée ; une fois qu'il avait
salué le Prince-Président, il se tenait à l’ écart dans un des salons soit
causant avec un camarade, soit observant seul le coup d'œil du Palais. Un soir
Louis Napoléon faisant sans doute l’appel des invités qui formaient déjà sa
cour, aperçut Morvan dans le coin d'une galerie, dérobé par ses filles et
plusieurs autres personnes. Il le reconnut et l’interpella: « Eh bien, général
Morvan, vous êtes bloqué! » Morvan s'inclina seulement sans révéler un mot que
d'autres auraient pu trouver blessant. A une autre occasion, Napoléon III eut
tout loisir de connaitre la loyauté de Morvan envers ses camarades. Sollicité par
l'Empereur de critiquer une attitude à Rome du maréchal Vaillant, il répondit
au Souverain que le maréchal étant sur place, était le meilleur juge de ce
qu'il fallait faire. La seule intrusion de notre ancêtre dans les affaires fut
un poste d'administrateur des Forges de l'Aveyron. II s'y lia avec le Duc
Decazes qui en était le président et chez qui il dinait souvent. II y
rencontrait M. Thiers et différents hommes politiques.
· En 1852, le
général Morvan, qui habitait alors rue Godot-de-Mauroy, fut mis a la retraite
et en 1854 nomme grand officier de la Légion d'Honneur. Je ne décrirai pas ce
que fut sa retraite, car notre grand’mère décrit ces années dans les pages qui
suivent. Il mourut en 1873 avec calme et résignation. Par un dernier geste de modestie
et peut-être de fierté, il avait comme un autre général un siècle plus tard
exprimé le désir formel que les honneurs dus à son rang dans la hiérarchie
militaire et dans la Légion d'Honneur ne lui soient pas rendus. »
· Remerciements
à
deux descendants du Général: Sylvie-Lelouarn-Motte, qui
nous a fourni ces documents et à Philippe Vinchon pour les
photos du Général Morvan, de sa fille, petite fille,
arrière petite fille..
Les enfants d’Amédée II et Marie Prouvost furent :
* Amédée Prouvost époux de Céline Lorthiois
* Jeanne Marie
Prouvost époux de Jules Pierre Toulemonde
* Thérèse Prouvost épouse de Joseph Lesaffre
* Solange Prouvost épouse de Georges Heyndrickx
* Elisabeth Françoise
Prouvost épouse d'Henri Dubois
* Marthe Prouvost épouse de Jacques Lenglart
* Marie Prouvost.
Lauréat
de l'Académie française (prix Archon-Despérouse)
et
Lauréat de la Société des Sciences et des Arts de Lille,
il a publié : « L’âme
voyageuse », poèmes (1903) ;
« Le
Poème du Travail et du Rêve (1905):
-
« Sonate au clair de Lune »- poèmes couronnés par l’Académie
française (I906);
-Conte de
Noël, saynète en vers illustrée par
André des Gachons (1907).
Photo-Hervé-Toulemonde
Extraits
de l’ouvrage du chanoine LECIGNE, « Amédée Prouvost », chez Grasset
1911
« Dès l’âge de cinq ans, Amédée Prouvost se
sentit dépositaire d’une tradition et comme l’héritier présomptif d’une royale
lignée :
il apprit
un à un le nom de ses prédécesseurs et que chacun d’eux signifiait depuis
quatre siècles et demi,
beaucoup
d’honneur, de travail et de foi chrétienne.
On ne
voulut pas qu’il puisse méconnaître ce passé et, si, par impossible, il lui
arrivait d’être infidèle, qu’il eût l’excuse de l’ignorance.
Un jour
le père prit la plume et, sans orgueil, sans autre prétention que de donner à
ses enfants la conscience intégrale de leurs origines,
il
écrivit les annales de sa famille.
Avant
tout, il songea à celui qui était son premier né, l’espérance de la
dynastie ; il s’adressa à lui :
« Je crois utile, mon cher fils, dès tes premiers pas dans ta vie
d’écolier, de t’initier à ce que tes maîtres ne pourront t’enseigner avec
autant de persuasion que ton père, j’entends
L’amour
de la famille,
Le
respect de ses traditions d’honneur,
Un
attachement inébranlable aux convictions religieuses de nos pères,
Et
Leur
fidélité aux traditions monarchiques.
Je
considère comme un devoir
De te
donner comme modèle cette lignée d’ancêtres.
Si elle
ne compte pas d’hommes illustres, il doit nous suffire de dire avec
Pierre
Prouvost en 1748 :
« Voila
la description des descendants des Prouvost et de ceux qui se sont alliez
jusques à la fin de cette année mille sept cens quarante huit. Et on peut dire
sans vanité, que lesdits du surnom Prouvost, ont toujours vécu en gens de
biens, d’honneurs et de bonne réputation en la foi catholique apostolique et
romaine et les plus notables des villages qu’ils ont habitez »
Et puis,
ayant dit cela, il le conduisit devant la muraille où s’alignaient les
portraits des aïeux paternels.
Ce ne fut
pas une revue fastueuse, théâtrale, comme on en voit dans le drame
romantique.
Devant la
figure de Jean Prouvost, seigneur de Wasquehal en 1460, échevin de Roubaix
en 1474,
le père
ne dit pas à son enfant :
C’est
l’ainé, c’est l’aïeul, l’ancêtre, le grand homme !
Il lui rappela
seulement qu’il avait vécu en honnête homme et en brave chrétien.
Le suivant s’appelait Guillaume Prouvost, lequel fut à la fois
laboureur de terres et chef d’industrie.
Il est le modèle de la race : il associe ses fils à son labeur et à ses
affaires.
On peut dire qu’après lui « cette habitude de travail se transmit de père
en fils et fut, dans la famille Prouvost enseignée comme une loi, inculquée et
imposée comme une obligation envers Dieu et envers le pays ».
La généalogie se continue ; chacun des portraits est celui d’un laborieux
et d’un dévoué.
Les épouses valent les époux ; elles sont la main qui se tend vers les
pauvres et qui répand l’aumône.
Vers 1681, Marguerite de Lespaul, veuve de Pierre Prouvost, lègue à la paroisse
de Wasquehal cent trente livres parisis à charge de prières
« et le reste des revenus à acheter des camisoles pour les pauvres vieil
hommes ».
Dans
Autre
extrait d’un ouvrage sur les poètes du Nord :
« Amédée
Prouvost,
Lauréat
de l'Académie française (prix Archon-Despérouse)
Et
Lauréat de la Société des Sciences et des Arts de Lille,
Il a publié : « L’âme
voyageuse », poèmes (1903) ;
« Le
Poème du Travail et du Rêve (1905):
-
« Sonate au clair de Lune »- poèmes couronnés par l’Académie
française (I906);-Conte de Noël, saynète en vers illustrée par André des Gachons (1907).
«
Le volume de M. Amédée Prouvost : « Sonates au clair de lune»
contient de jolies pièces d’un charme délicat, d'une inspiration familiale et
tendre. Le vers est aisé, noble.
Ferme,
d'un mouvement poétique souvent heureux » a dit Gaston Boissier, de
l’Académie française, dans son rapport sur les prix littéraires.
II a
collaboré au « Beffroi », à la « Revue septentrionale », à
la « renaissance latine », à Durendal, au
« Correspondant »; aux « Annales », à la « Revue de
Lille ».
M.
Prouvost a passé un à l’Université de Bonn (Allemagne) comme étudiant en
lettres, il a diverses reprises: voyage en Italie, Egypte, Palestine, Turquie,
Grèce, Tunisie.
« Amédée
Prouvost, fils de Roubaix, la Cité aux
grandes cheminées fumeuses, est un des fidèles du Beffroi »,
A ce
double titre, il appartient à la jeune phalange des Lettres
Septentrionales"
Définir
des livres d’un écrivain, c'est définir
l’écrivain lui-même. Amédée Prouvost
est tout entier dans ses deux recueils « l’âme
voyageuse », le
« Poème du travail et du
Rêve » ;
c’est de ce dernier que, spécialement, que nous parlerons, étant, sinon le
meilleur, du moins le plus récent.
Amédée
Prouvost qui est en même temps l’un des heureux de ce monde, le fils du pays de
l’usine, jette un regard d’artiste, mais d’artiste seulement, sur le
grouillement noir ou
s’exténue
le travail moderne. Les rimes, non vulgaires, sont toutes bruissantes du
frémissement farouche des machines en marche et la courbe précise du vers
dessine à nos yeux
minutieusement le geste même de l’ouvrier
attentif aux mouvements des engrenages. Parfois, une pesée de songe vient
déchirer la brume opiniâtre et c’est « Le rouet des
grand’mères »
ou la « Navette agile du vieux tisserand à la main » qui s’évoquent.
Un coin d’horizon s’entrouvre au bout du canal où passent les chalands et voici
s’élargir
tout
l’espace. Voici des prairies en perspective et d’innombrables troupeaux dont la
dépouille compose les tissus de l’usine.
Un
lyrisme continu et mesuré signale ces sonnets d’une rare maitrise d’exécution.
Avant toute choses, Amédée Prouvost est un consciencieux. Son talent est fait
de précision,
d'équilibre
et de sérénité et sa technique, traditionnellement pure, n’emprunte rien aux
véhémences prodigieuses d'un Verhaeren, Tout est pondération et sagesse en sa
poésie
et, à ce
titre, elle apparaît, avant toutes choses, comme une grande leçon morale.
II dit sa
vie égale et attentive d'industriel délicat et lettré et cela est beau".
Voici un
poème sur sa bonne ville de Roubaix :
«
Ville sans passé d'art, sans beauté, sans histoire,
Ville de
l'énergie et des âpres labeurs,
Voici que
l'incessant effort des travailleurs
Te ceint
du vert laurier des fécondes victoires ;
Dans le
triste décor de tes murailles noires,
Sous cet
épais brouillard de suie où ton ciel meurt
Et
qu'emplit le travail d'une longue rumeur,
Tu
frémis, volontaire et promise à la gloire.
Ville énorme,
grand corps aux vertèbres de fer,
Ton sol,
pareil aux durs rochers que bat la mer,
Tremble
au trépidement des machines brutales;
O cité,
ton renom s’étend à l'univers,
Et je
veux exalter ta grandeur en mes vers,
Ville des
artisans, 0 ma ville natale ! »
Jules
Lemaître, de l’Académie française, préface «les « Pages choisies et
inédites » :
«
Il y a quelques années, à la commission du prix Archon-Desperouses, M. Henri
Lavedan nous dit qu'il avait distingué un volume intitulé
« Sonates
au clair de lune», et nous en lut une pièce: « A un ami religieux. » Il nous
parut que ces vers avaient de la Jeunesse, de l’émotion, de la grâce ;
et c'est
ainsi qu'Amédée Prouvost eut une part du prix des poètes.
Un peu
après, il vint me voir. J'ai gardé le souvenir d'un grand Jeune homme blond,
élégant, très doux, et qui me plut tout de suite par un charme d'intelligence,
de franchise, de cordialité.
J e ne le
revis point. L’année dernière, Amédée Prouvost mourait à trente et un ans ...
Amédée
Prouvost eut une âme charmante et une vie harmonieuse. Son enfance fut nourrie
de tendresse. 1l avait sept sœurs qui l'appelaient « le petit roi ». II fut
élevé par des prêtres (et cela se devine dans ses vers, a certaines
inflexions). Il voyagea. Il vit l'Orient. Cet homme du Nord était amoureux de
la lumière et du soleil. Il fit un mariage d'amour, à la fois romanesque et
raisonnable. Il eut deux enfants. II travailla gaiement dans l'usine
familiale ; et, comme c'était une âme ouverte à tout, il sut comprendre la
phobie de la Cité noire et la sombre beauté des machines ... II aimait la
musique, et les arts, et toutes les formes de
Il
exprima sa vie elle-même dans des poésies presque involontaires, écrites au
jour le jour, qui valent dès le commencement, par la sincérité de l'émotion, et
à mesure qu'il vit, par une forme plus savante et plus pure. Son cœur et son
esprit ne cessèrent point de s'enrichir. Vers la fin, la piété de son adolescence
lui revint tout entière: et quoi de mieux à la veille de mourir?
Celle qui
le pleure et qui ne se consolera jamais peut se dire pourtant que la vie
d’Amédée Prouvost fut belle et heureuse, toute pleine de pensée et d'amour, et
qu'elle n'eut de triste, en somme, que sa brièveté ... Et, parce qu'elle fut
courte, les reliques en seront plus chères et plus précieusement gardées, et
moi-même, qui connus à peine cette âme si aimante, je ne l'oublierai
plus. »
L’hôtel Amédée Prouvost
à Roubaix, classé Monument Historique par arrêté du 30 avril
1999, construit vers 1880 par son grand-père Amédée Prouvost.
Un
monument en l’honneur du poète Amédée Prouvost
a été
érigé dans le parc Barbieux à Roubaix,
Achille Segard ; Le mouvement littéraire du
« Beffroi » : Amédée Prouvost III et son monument au parc
Barbieux.
Le fief des Huchons correspondait à peu près à l’actuel parc Barbieux de Roubaix à la limite de Croix « Huars
Prouvost était en 1397
tenancier
de la seigneurie de Favreulles, appartenant aux Seigneurs de Roubaix
et de Croix. Il labourait à son compte une surface considérable
comprenant la Verte Rue (résidence actuelle de nos confrères et amis
Motte), le manoir de la Haye (aujourd’hui avenue Gustave Delory), les monts de
Barbieux (notre jardin public), les quartiers du Moulin et du Trichon,
jusqu’à la rue de la Mackellerie « Albert Prouvost, discours du
centenaire du Peignage Amédée Prouvost, 1851-1951.
Les
terres de la famille Prouvost à Roubaix au Moyen-âge.
époux de Françoise Leclercq
« Le nom de Le Clercq est
I'un des plus anciens que révèlent les documents des archives de Roubaix. En
1449, parmi les notables et échevins de Roubaix qui déposèrent à l'enquête
tenue au sujet de la quote-part à assigner à la paroisse dans l’aide accordée
au souverain, figurent «Jehan Le Clerc et Jacquemart Le Clerc. » D'après Ie
même acte, un autre Jacquemart Le Clercq
paraissait être le censier de Burie-Courcelles. (Source de l’histoire de
Roubaix, n°300) La charte des arbalétriers instituée par Pierre, seigneur de
Roubaix, en 1491, est signée par Willaume Le Clercq et Philippot Le Clercq, dit
Gadet. Adrien Le Clercq était
marguillier en 1578. Le 21 mars 1609, Louis Le Clercq et sa femme
donnent à la table des pauvres une lettre de rente de 18 livres 15 sous, à
charge de 6 obits. (Archives de Roubaix, GG, 234) Jean Le Clercq, épousant, le
20 octobre 1620, Braisette du Pret, a pour témoin messire de Graincourt, grand
bailli de Roubaix. (Archives de Roubaix, GG.4)
Jean Le Clercq, fils de Philippe, qui relevait le fief du Waut en 1674, avait
été en 1659 I'un des Egards de la manufacture; il était échevin en 1673-1676.
Au XVII° siècle, les Le Clercq étaient groupés en plusieurs familles de
condition différentes ; ils étaient nombreux dans l’industrie. De 1609 à 1778,
on compte quatorze Le Clercq parmi les Egards de la manufacture ; plusieurs
furent échevins, entre autres, Etienne Le Clercq qui parait avoir été le
personnage le plus important des familles de ce nom.
Etienne Le Clercq et Marie-Elisabeth Lepers eurent au moins onze
enfants parmi lesquels :
2) Anne-Marie Le Clercq
qui s'allia à Jaspart Le Comte.
Leuridan, les vieilles Seigneuries de Roubaix.
Monique
Levêque, fille de Jacques Levêque 1893-1948, Colonel, Croix de guerre 14-18 et
39-45, officier de la Légion d'honneur (son père était Ingénieur des Arts et
Métiers, Ingénieur principal des Chemins de Fer de l'Etat, ECP 1879) et Marie-Louise Lefebvre-Pigneaux de Béhaine
1897-1985, fille de Francis Lefebvre-Pigneaux de Behaine, comte romain à titre personnel par le pape en
1891, Chevalier de l'Ordre de Pie IX, Chevalier de la Légion d'honneur, ESM
Saint-Cyr, promotion des Drapeaux, comte romain et Lefebvre de Behaine (2e,
1891), Chef de bataillon d'infanterie, 1860-1930; petite fille d’Edouard Lefebvre-Pigneaux de Behaine, Secrétaire
d'ambassade à Berlin (1864) et à Rome (1869), chargé d'affaire à Munich (1872),
ambassadeur de France près le Saint-Siège (1882-1896) .Il fut autorisé, par
décret impérial du 24 mars 1858 à ajouter à son nom "Pigneaux de
Behaine". Il fut créé comte romain à titre personnel en 1871 et
heréditaire en 1893. Titre reconnu en France par Mac Mahon en 1873. Rédacteur à
la direction politique du département des Affaires Etrangères. Grand'Croix de
la Légion d'honneur.Arrière petite fille de Armand Lefebvre, 1800-1864, Ministre plénipotentiaire (1850), conseiller
d'Etat (1852), Membre de l'Institut de France (Académie des Sciences Morales et
Politiques, 14 avril 1855), Commandeur de la Légion d'honneur. Lui-même était
fils de Pierre Edouard Lefebvre, (fils d’un avocat au Parlement), Directeur de
la Bibliographie nationale, sous-chef du Comité de Salut public (1792) et
sous-chef au Secrétariat général des Affaires étrangères (1794), secrétaire
d'ambassade et chargé d'affaires, historiographe des Affaires étrangères.
Officier de la Légion d'honneur. Il est anobli par Lettres Patentes de Charles
X du 6 avril 1826, avec règlement d'armoiries : "d'argent, au cerf au
naturel, passant sur une terrasse de sinople; au chef de sable, chargé de trois
étoiles d'or."
Fils d' Amédée Prouvost, et de Mme, née Monique Levêque.
Mar. le 4 mai 1991 à Mlle Clare Hepburn Cushman,
Rédactrice, Directrice publications (2 enf. :
Cordélia-Willow, Jasper-Amédée).
Etudes :
Ecoles Saint-Louis de Gonzague à Paris et Sainte-Geneviève à
Versailles, Université Paris IX-Dauphine, Ecole nationale de la
statistique et de l´administration économique (Ensae), Wharton Business
School à l'Université de Pennsylvanie (Etats-Unis).
Dipl. :
Statisticien-économiste, Diplôme d´études approfondies (DEA) de finance
internationale, Master of Business Administration (MBA).
Carr. :
Attaché de direction à la banque Paribas (1983-84); au groupe Banque
mondiale : Investment Officer (1984-86), Financial Officer (1986-89),
Senior Financial Officer (1989-93), Représentant financier en Europe
(1991-95), Principal Financial Officer (1993-2000), Manager Finance
(2000-02) au département de mobilisation des ressources, Directeur
financier de l'Agence multilatérale de garantie des investissements
(Miga) (2002-06), Senior Adviser to the Group CFO (depuis 2006).
Membre de l´Automobile Club de France, du Metropolitan Club of the City of Washington et du Chevy Chase Club.
Coordonnées Prof. : Banque mondiale, 1818 H Street, NW, Washington, DC 20433, Washington, DC 20433, Etats-Unis
Who's whoLes
filiations sont issues de la base généalogique Roglo, de l’annuaire
Ravet-Anceau et des recherches sur Internet.
Il y a aussi tout ce dont nous n’avons pas l’information.